Une référence intrigante

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Consultant de nouveau l’ouvrage de Sainct-Didier sur Gallica, je me suis arrêté par hasard sur une page manuscrite en début d’ouvrage, qui a soudainement attiré mon attention par ce paragraphe :

La Croix Dumaine dit que cet auteur vivoit encore en 1584 et qu’il descendois de Guillaume de St Didier gentilhomme Provencal lequel composa un livre sur lescrime en 1174 par conséquent 400 ans avant celui-ci

Je savais, par l’excellente transcription d’Olivier Dupuis, que La Croix du Maine donnait en effet quelque précisions biographiques.

Mais ce livre sur l’escrime de 1174 ? Je n’avais jamais vu une allusion à cela, et pourtant les premiers ouvrages d’histoire de l’escrime ne sont pas avares de références elliptiques et de parallèles douteux !

J’ai donc remonté la piste, tout d’abord dans Les bibliothèques françoises de La Croix-du-Maine et de Du Verdier, où la référence est bien présente (sans toutefois d’indication généalogique, l’auteur notant juste la coïncidence dans les noms, et sans donner de date) :

Guillaume de S. Didier, Gentilhomme, natif du pays de Velay, Poëte Provençal, l’an 1185. […] Il a écrit un fort beau Traité de l’Escrime. Il mourut l’an 1185, ou environ*.

* Voy. Jean de Notre-Dame, Chap.6

Ce Jean de Notre-Dame n’est autre que le frère du fameux Nostradamus, qui a compilé Les vies des plus célèbres et anciens poètes provençaux, dans lequel on trouve bien :

Le Monge de Montmajour dict que ce Guilhem chantoit voulentiers, mais qu’il fut desherité d’amours : a mis las Fablas d’Ezop en rithme vulguere provensale ; et neantmoins a faict un beau tr[a]ité de l’escrima, qu’il adressa au comte de Provence.

L’affaire se corse avec ce “Monge de Montmajour”. Je trouve des discussions tendant à démontrer que le personnage n’aurait jamais existé, et ne serait qu’un prête-nom permettant à Jean de Notre-Dame d’enfler ses biographies. La piste s’arrête ici pour le moment. Je n’ai pas su retrouver la source de l’affirmation de Jean de Notre-Dame, s’il y en a eu une.

Reste cette référence intrigante à ce qui serait en fait le plus ancien traité d’escrime européen connu, détrônant le célèbre Ms. I.33 de plus de 150 ans. Qui sait s’il a véritablement existé ou s’il n’est que le fruit de l’imagination de Jean de Notre-Dame ? Quel chercheur dans les AMHE ne rêverait de mettre la main sur un tel traité ?

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